Evaluation HAS des ESSMS : une nécessaire évolution du référentiel d’évaluation

« Excusez-moi de vous poser la question mais …. ». Qu’un évaluateur/trice réalisant des évaluations pour les établissements sociaux et médico-sociaux dans le cadre du cahier des charges de la HAS, lève le doigt s’il n’a jamais prononcé cette phrase lors d’une évaluation sur site face aux personnes qu’il interrogeait ! 

Certains critères s’avèrent en effet parfois peu appropriés à/aux l’interlocuteur(s) avec le(s)quel(s) on s’entretient ; le décalage entre leur contenu et la réalité perçue de la situation de l’interlocuteur que l’on a en face et/ou de son activité/action est parfois important, ce qui conduit l’évaluateur à ressentir le besoin de se retrancher derrière le cahier des charges, pour rappeler que ce n’est pas lui qui élabore les critères et donc à s’excuser.

Les échanges en équipe avec notre personnel réalisant des évaluations montrent que de telles situations de décalage sont parfois identifiées, avec des questions perçues comme redondantes et/ou inadaptées au contexte. C’est par exemple le cas :

  • dans le secteur de la protection de l’enfance lorsque l’on demande si « la personne accompagnée est régulièrement sollicitée pour exprimer ses attentes en vue de préserver son autonomie »…alors que l’objectif est plutôt de la développer ;
  • vis-à-vis de jeunes personnes (moins de 12 ans) en situation de handicap à qui l’on demande si elle « est informée ou conseillée dans ses démarches relatives à son logement ou hébergement » ;
  • vis-à-vis de professionnels qui accompagnent un jeune, ou un jeune adulte, en pleine forme, qui ont envie de nous parler de leurs projet/actions, et que l’on frustre en leur posant une douzaine (ou plus) de questions en lien avec la santé et la douleur, donnant l’impression que c’est ce qui compte le plus…comme si on était en face d’une personne âgée et/ou lourdement handicapée.
  • vis-à-vis encore de professionnels qui suivent, avec d’autres acteurs, des personnes à la rue, pour lesquelles il n’est par exemple pas souvent possible d’élaborer un véritable projet personnalisé et encore moins en face de certains « risques » peu évidents à appréhender.
  • lorsque l’on demande à des professionnels d’un service de maintien à domicile pour personnes âgées s’ils accompagnent le suivi de leur parcours scolaire.
  • pour des établissements et services de petite taille – ils le sont pour la plupart – à qui l’on demande s’ils ont « mis en en œuvre une Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP)» alors qu’elle n’est obligatoire en France que pour les structures employant 300 salariés ou plus (sauf à raisonner au niveau de l’organisme gestionnaire et à demander à l’ESSMS comment il décline cette GEPP à son niveau mais alors il faudrait relibeller le critère).

Chacun pourra continuer la liste, qui n’est malheureusement pas exhaustive. Ces situations montrent que le référentiel – dont le contenu met clairement en évidence qu’il est conçu essentiellement pour le médico-social adulte et pour des établissements plutôt que des services – n’est pas adapté à toutes les situations/ESSMS. Elles sont la conséquence du choix effectué d’avoir un référentiel unique, qui s’ajuste de manière très marginale aux différentes catégories d’ESSMS. Cette unicité ne permet pas de coller aux spécificités de chaque type de structure, tandis, qu’inversement, elle passe sous silence des pans importants de leur action qui ne sont pas évalués. Le référentiel offre certes la possibilité de coter « non concerné » sur certains critères mais la HAS enjoint les cabinets à limiter cette cotation à son strict minimum. Et puis l’intérêt de la démarche est d’évaluer le cœur de l’action, pas de faire la liste des critères qui n’atteignent pas la cible. Ce référentiel permet très certainement d’évaluer des éléments indispensables et d’engager les établissements et services dans une démarche d’amélioration continue de la qualité, ce qui est l’objectif, mais il doit gagner en finesse et en précision. Les ESSMS ont à cet égard la possibilité de leur côté de faire remonter leurs demandes d’amélioration au niveau national.

Avant la nouvelle méthode qui a été mise en place en 2022, Eliane Conseil avait bâti des référentiels avec un tronc de critères communs et des questions spécifiques par catégories de structures, en lien avec les missions qu’elles poursuivent. C’est ce qu’il faut viser avec cette nouvelle démarche dont il serait curieux que l’on puisse avancer qu’elle est figée une fois pour toutes. Les cabinets et leur évaluateurs/trice doivent être davantage associés à la réflexion autour de l’amélioration du référentiel -et entendus- afin que l’évaluation prenne davantage de sens pour les acteurs et qu’ils y adhèrent davantage si l’on veut engager une vraie démarche d’amélioration continue de la qualité des prestations.

Dans l’attente, notre parti pris, en face de certaines incompréhensions lors des évaluations, est de rendre le plus compréhensible possible les critères concernés afin que les acteurs puissent y mettre du sens et les inscrire dans leurs pratiques afin d’engager ou de poursuivre leur démarche d’amélioration continue de la qualité une fois le rapport clôturé.

 

Rédacteurs : Stéphanie Matignon et Matthieu Guy-Grand