Les défis de la future loi Grand Age et autonomie

La loi Grand Age mise en pause

Longtemps attendue et maintes fois repoussée, la loi « Grand Age et autonomie » se fait désirer. Annoncée en 2019 par le gouvernement, la crise sanitaire a impacté son calendrier et modifié les priorités du gouvernement. A tel point que les délais restent encore indéterminés, même si la ministre déléguée à l’autonomie, Brigitte Bourguignon, a affirmé en janvier 2021 que la loi serait mise en œuvre avant la fin du quinquennat. Cependant, l’inquiétude des professionnels du secteur de l’âge s’intensifie : les besoins sont en effets criants, et la crise du coronavirus que le pays vient de traverser n’a fait que les accentuer.

Réclamée avec force par l’ensemble des acteurs médico-sociaux et du maintien à domicile, la loi Grand Age et autonomie, a fait, depuis dix ans, l’objet de nombreuses concertations et de plusieurs rapports (Libault, El Khomri, Guedj..). Visant à anticiper les problématiques liées au vieillissement d’une population dont le nombre de personnes âgées est en pleine expansion, ses grands axes portent sur une refonte en profondeur du secteur. Cette réforme devrait être axée sur le soutien et le développement des politiques de maintien des personnes âgées à domicile et sur la refonte du fonctionnement des EHPAD, en revalorisant les métiers du grand âge dans ces établissements comme dans le secteur de l’aide à domicile et en développant un nouveau modèle d’EHPAD plus ouvert sur l’extérieur (avec le domicile et/ou hôpital…) afin de décloisonner les établissements.

Les défis de la prise en charge à domicile

L’écrasante majorité des français souhaiterait vieillir à domicile. Mais prendre ce virage domiciliaire suppose de revoir la place de l’EHPAD dans le parcours vieillesse, l’objectif étant dorénavant d’en faire l’exception plutôt que la norme. Dès lors, le projet de loi souhaite limiter la création de nouvelles places en EHPAD – alors même, signalons le, qu’une récente étude de la Drees projette la nécessaire création de 108 000 places supplémentaires d’ici 2030. Aussi, si les politiques actuelles souhaitent favoriser le maintien à domicile et limiter les places en EHPAD, il est urgent à la fois de soutenir le secteur de l’aide à domicile mais aussi de développer des formes d’habitat intermédiaire entre les logements ordinaires et les EHPAD, afin que seuls les seniors les plus dépendants soient accueillis en institution.

Diminuer les places en EHPAD passe donc par un redressement du secteur du maintien à domicile, confronté à des difficultés de financement et de recrutement. Grands oubliés des accords du Ségur de la santé, le secteur souffre d’un important problème d’attractivité, les rémunérations étant faibles et les conditions de travail difficiles. Aujourd’hui, un service d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) sur quatre a refusé une demande de prise en charge, faute de moyens humains. C’est dans ce contexte qu’un premier effort a récemment été réalisé puisque la Ministre déléguée chargée de l’Autonomie a annoncé une augmentation salariale de 13 % à 15 % pour les 209 000 personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).

A côté de cette revalorisation salariale, le projet de loi Grand Age et autonomie entend aussi augmenter le tarif horaire de l’APA à 22 euros de l’heure, assortie d’une contribution horaire de 3 euros versée directement aux SAAD pour financer leurs frais de transport et les temps de coordination entre les équipes. Une revalorisation harmonisée sur tout le territoire, permettant de remédier aux disparités de tarifs qui pénalisent les personnes. Pour autant, il est anticipé que cet effort financier ne sera pas suffisant pour remédier aux difficultés du secteur de l’aide à domicile ; un tarif plancher de 30 euros de l’heure est réclamé.

Vers une évolution de l’EHPAD

Si les services d’aide et de maintien à domicile sont au cœur du projet et de ses ambitions, l’amélioration de la prise en charge des personnes âgées s’effectue aussi par une évolution du modèle de l’EHPAD. Le projet de loi entend ainsi développer principalement deux axes : le premier est la création d’un nouveau modèle pour les EHPAD, plus ouverts sur l’extérieur, entretenant plus de lien avec le domicile et plus de collaboration avec l’hôpital. C’est d’ailleurs l’appel lancé par le think tank « Matière grise » dans son récent rapport « L’Ehpad du futur commence aujourd’hui ». Pour l’un de ses auteurs, « l’Ehpad de demain doit être totalement au service du résident qui vient terminer sa vie. C’est un Ehpad qui doit ressembler le plus possible, dans ses espaces, dans son architecture, à un domicile. Ce rapport préconise également la possibilité d’étendre « l’Ehpad plateforme », c’est-à-dire que des personnes qui vivent encore à leur domicile pourraient s’y rendre pour y recevoir des soins ou pratiquer des activités culturelles.

Le deuxième axe est le développement de modèles intermédiaires entre l’EHPAD et le domicile, en favorisant notamment l’essor des résidences autonomies. Le nombre de personnes en résidence autonomie, qui s’élève actuellement à un peu plus de 100 000, devrait alors être multiplié par 1,5 à 2,5 en 2030, selon les projections de la Drees.

En somme, il semblerait que les prémisses des mesures annoncées ne répondent pas complètement aux enjeux identifiés notamment sur le secteur du domicile. Le gouvernement devra aller plus loin dans le projet s’il veut y répondre et satisfaire les demandes pressantes des acteurs du secteur. Le temps semble compté dans un contexte où le gouvernement à, à ce stade – et c’est compréhensible –privilégié les problématiques de court terme en établissement, notamment liées à l’urgence sanitaire, au détriment de l’urgence de réformes structurelles de l’ensemble du secteur, dans le cadre d’une vision du maintien à domicile qui doit être globale.