Plus de dix ans après la publication de son rapport public thématique de 2009, la Cour des comptes constate dans le rapport publié en novembre 2020, que près des trois quarts des recommandations n’ont toujours pas été mises en œuvre, ou très partiellement, et que les ambitions du législateur, renouvelées par la loi de 2016 et visant à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, tardent encore à se concrétiser.
Globalement, l’État et les départements ont consacré 8,4 Md€ à la politique d’aide sociale à l’enfance en 2018, dont 7,99 Md€ à la charge des départements, en progression pour les collectivités de 23,7 % par rapport à 2009.
Avec 328 000 enfants concernés, fin 2018, le nombre d’enfants ayant bénéficié d’une mesure de protection ne cesse de progresser : soit 12,1 % d’augmentation en 10 ans, et les mineurs non accompagnés sont à l’origine d’un tiers de cette augmentation.
La protection de l’enfance fait l’objet d’une organisation complexe qui fait intervenir de multiples acteurs.
Aussi la Cour des comptes préconise de clarifier et de simplifier le pilotage national. Elle réitère les critiques déjà formulées l’été dernier et propose de conforter le rôle de coordonnateur interministériel de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). La suppression du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) est également avancée, la Cour suggérant de confier ses missions consultatives au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA). L’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) pourrait quant à lui voir ses missions recentrées sur l’animation de la recherche et des réseaux.
Au niveau local, l’insuffisante coordination des acteurs est aussi pointée :
−des services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) avec ceux de la Justice, sachant que les juges des enfants sont à l’origine de 75 % des décisions de prise en charge ;
−entre les départements et les opérateurs publics ou privés qui s’occupent au quotidien de l’accompagnement des enfants.
Globalement, la Cour s’alarme des délais importants, qu’il s’agisse du traitement des cellules de recueil des informations préoccupantes et de l’exécution des délais de justice, qui « peuvent nuire gravement à l’enfant ».
Pour remédier aux carences de pilotage de la politique de la protection de l’enfance, la Cour des comptes recommande de :
−désigner le préfet de département comme interlocuteur du président du conseil départemental et comme coordonnateur des services de l’État sur le territoire en matière de protection de l’enfance, en lien avec les autorités judiciaires ;
−généraliser le recours à la contractualisation pluriannuelle et, en parallèle, de renforcer le dispositif de contrôle des établissements et services de protection de l’enfance.
Enfin, au niveau territorial, la Cour des comptes pointe aussi «les disparités territoriales persistantes qui font obstacle à ce que les enfants bénéficient d’une même qualité de prise en charge sur l’ensemble du territoire. »
Par ailleurs, en l’absence de référentiels communs, chaque département procède à sa manière, tant pour l’évaluation du danger, le nombre de mesures suivies par les travailleurs sociaux, que pour le contrôle des établissements accueillant des mineurs protégés.
Les préconisations de la Cour des comptes tendent à repenser le parcours de l’enfant.
Le rapport insiste sur la nécessité de clarifier les relations de l’enfant avec ses parents et d’inscrire son projet de vie sur le long terme. Or, le déploiement du projet pour l’enfant, obligatoire depuis la loi de 2007, reste « très insuffisant » . Il est ainsi proposé de renforcer le contenu du projet pour l’enfant afin d’y intégrer l’évaluation des compétences parentales, un projet alternatif au retour dans la famille d’origine à moyen/long terme ainsi que l’examen du recours à la délégation d’autorité parentale à un tiers, prévue depuis la loi du 14 mars 2016.
Dans les faits, les parcours chaotiques des enfants protégés, marqués par de multiples ruptures, les conduisent souvent jusqu’à leur majorité, qui est vécue comme un couperet, en raison « du caractère facultatif des contrats jeunes majeurs ».
La dernière source d’inquiétude mise en lumière par la Cour des compte porte sur la difficulté à recruter des professionnels formés, et ce aussi bien dans le public que dans le privé. De plus, le potentiel de prise en charge se réduit en raison d’une plus grande difficulté à recruter des familles d’accueil, dont le métier manque d’attractivité par les risques qu’il comporte et le manque de soutien et de formation face aux situations complexes.
En 2020, Eliane Conseil a mené plusieurs missions dans le secteur de la Protection de l’Enfance, sur différents territoires et pour des donneurs d’ordre variés :
-Etude prospective sur les mineurs protégés dans le département des Pyrénées Orientales, Direction Enfance Famille du Conseil départemental 66,
-Evaluation externes de MECS, de Service d’assistants familiaux Spécialisé, d’Accueil de Jour Educatif, pour l’Association REALISE en Meurthe-et-Moselle,
-Evaluation externe des établissements et services de la PJJ, Direction Sud de la Protection Judiciaire de la Jeunesse
Les constats et analyses relevant du rapport de la Cour des comptes correspondent complètement à notre expérience auprès des acteurs de la protection de l’enfance rencontrés.
Les évaluations externes peuvent constituer un outil pour contribuer à l’amélioration de la qualité de l’accompagnement par les préconisations apportées concernant le respect des droits fondamentaux et la promotion de la bientraitance, la continuité de parcours, la formalisation des projets personnalisés.
Les CPOM s’avèrent constituer l’outil fondamental permettant d’une part, au financeur de suivre sur la base d’indicateurs le déploiement de l’activité attendue, assorti d’exigences de qualité, d’autre part à l’opérateur d’inscrire sa stratégie dans une démarche pluri annuelle à l’appui de projets.
Pour les opérateurs associatifs, leur capacité à traiter la question sociale qui leur est confiée, nous paraît reposer en grande partie sur leur stratégie RH en matière de recrutement, de renforcement des compétences et l’accompagnement dans l’emploi de leurs professionnels, ainsi que sur la réelle application de la loi 2002-2 dans ses aspects de participation, respect des droits et personnalisation de l’accompagnement.