Le « big bang » annoncé des CPTS : état des lieux, missions et modalités de financement prévues par l’accord conventionnel interprofessionnel signé en juin 2019

Le vieillissement de la population et le développement constant des pathologies chroniques sont aujourd’hui sources de tensions pour une organisation des soins reposant sur des hôpitaux engorgés et très contraints budgétairement, comme nous l’ont rappelé par exemple les grèves des urgentistes à l’été 2019. Partant de ce constat, le législateur a multiplié ces dernières années les initiatives afin de réformer de manière structurelle le système de santé de ville, en développant le « virage ambulatoire », c’est-à-dire le traitement en exercice ambulatoire de certaines situations actuellement prises en charge en milieu hospitalier.

Les CPTS constituent l’un des instruments clé de cette politique : sur le modèle des anciens pôles de santé, elles visent à structurer l’offre de soin ambulatoire au sein d’un territoire, où les professionnels de santé de ville du premier et du second recours associés aux structures (établissements de santé, acteurs médico-sociaux et sociaux), doivent se coordonner autour d’un projet de santé de territoire commun afin d’améliorer la prise en charge des patients[1].

Jusqu’à présent, les CPTS ont connu un démarrage relativement modeste avec deux cents projets recensés en août 2018, dont la plupart étaient des transformations de structures préexistantes[2]. Créées en 2016 par la loi Touraine[3] sur le modèle des anciens pôles de santé, les CPTS ne bénéficiaient pas de soutiens financiers pérennes, tandis qu’elles demeurent mal comprises par la plupart des médecins[4]. Toutefois, à la rentrée 2018, le discours du président de la République[5] et le plan gouvernemental « Ma santé 2022 » ont donné le cap, avec l’objectif de développement de plus de 1000 CPTS d’ici 2022 pour mailler la totalité du territoire national.

Pour parvenir à leur fin, les pouvoirs publics se sont donc attelés au financement des CPTS : sur le modèle de ce qui a été mis en place pour les structures pluriprofessionnelles, le législateur a permis la signature d’un accord conventionnel interprofessionnel (ACI), en juin 2019, entre les représentants de professions de santé et l’union nationale des caisses d’assurance maladie, afin de fixer le cadre d’un accompagnement financier pérenne.

D’une part, il est prévu une aide financière au démarrage de la CPTS, qui permet de défrayer les professionnels de santé pour leurs réunions de travail de conception du projet, de financer l’éventuel appui externe pour l’élaboration du projet de santé et le montage juridique, etc. Comme pour les structures pluriprofessionnelles, le principe de l’attribution de l’aide devrait être très souple et rapide sur la base d’une lettre d’intention précisant l’équipe projet de démarrage, l’ambition fédératrice, les premiers axes à date du projet de santé et un premier calendrier. Le monde de l’aide au démarrage est compris dans une fourchette de 50 000 à 90 000 euros, suivant le nombre d’habitants de la CPTS et en fonction des ARS.

Puis, d’autre part, les professionnels de santé toucheront une aide pour les missions proprement dites (valorisant les moyens et les résultats mesurés) dans le cadre d’un projet de santé établi en lien avec un diagnostic territorial des besoins.

Au titre des missions financées obligatoires, le projet de santé de la CPTS doit prévoir :

Des missions en faveur de l’amélioration de l’accès aux soins, par exemple améliorer l’accès à des soins non programmés en ville, destinés à permettre la prise en charge le jour-même ou dans les 24 heures de la demande d’un patient du territoire en situation d’urgence non vitale. Les indicateurs envisagés peuvent être le désengorgement et la baisse du nombre de recours aux urgences.
Une mission en faveur de l’organisation de parcours pluriprofessionnels autour du patient , afin d’éviter les ruptures de parcours de soin et favoriser le maintien à domicile des patients. Il s’agit notamment de créer du lien et du partage d’informations entre le premier et le second recours, avec les établissements sanitaires, médico sociaux, sociaux.
Une mission en faveur du développement des actions territoriales de prévention, comme la prévention des addictions, des risques iatrogènes, de l’obésité, etc.
Il est prévu un financement dit « fixe » qui permet de participer aux coûts supportés par la CPTS (charges de personnel, outils numériques de coordination, actions de communication, etc.) et un financement « variable » calculé sur la base de l’atteinte des objectifs définis dans chaque contrat conclu. Ce financement, fixe et variable confondus, est compris dans une fourchette de 185 000 à 380 000 euros par an, suivant le nombre d’habitants couverts par la CPTS.

Les CPTS ont également la possibilité de déployer deux missions optionnelles pour lesquelles elles peuvent percevoir un financement complémentaire. Il s’agit, d’une part, de la mission en faveur de l’amélioration de la qualité et de l’efficience des prises en charge des patients (par exemple la concertation en vue de formuler des pistes d’amélioration et d’harmonisation des pratiques avec une dimension pluriprofessionnelle). D’autre part, l’autre mission optionnelle vise l’accompagnement des professionnels de santé sur le territoire notamment des jeunes diplômés (présentation de l’offre de santé du territoire, compagnonnage, accueil de stagiaires, etc.).

Enfin, les pouvoirs publics ont entendu reprendre le contrôle sur le contenu des projets de santé des CPTS, qui fixent les tâches mises en œuvre par leurs membres. L’article 7 du projet de loi santé en discussion, ainsi que l’ACI, prévoient que les projets de santé des CPTS seront désormais soumis à l’approbation du directeur général de l’ARS[6]. L’ARS s’assurera d’un côté, de la bonne coordination entre l’ensemble des acteurs du système de santé à l’échelle d’un territoire et, de l’autre, de la pertinence des territoires choisie, sans laisser de « zone blanche » ou créer de superposition.

Matthieu Guy- Grand, Directeur d’Eliane Conseil / Pierre Reine, avocat au barreau de Paris

[1] Article L. 1434-12 du code de la santé publique

[2] Inspection générale des affaires sociales, Rapport sur le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé, août 2018, n°2018-041R

Les regroupements de professionnels de santé qui, avant la publication de la loi Touraine de 2016, répondaient à la définition des pôles de santé au sens de l’article L. 6323-4 du code de la santé publique sont devenus automatiquement, et sauf opposition de leur part, des CPTS.

[3] Loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé

[4] Sondage IFOP, Les médecins généralistes et le Plan Santé, réalisé en mai 2019

[5] Discours sur la transformation du système de santé “Prendre soin de chacun” du Président de la République, publié le 18 septembre 2018

[6] Projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, article 7.

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