Le Service d’accès aux soins (SAS) : vers une réponse homogène, opérationnelle et rapide aux demandes de soins urgents

Dans le cadre du Pacte de refondation des Urgences lancé par le gouvernement en septembre 2019, il a été prévu de mettre en place d’un Service d’Accès aux Soins (SAS) pour informer et orienter les patients afin de leur permettre de disposer d’une réponse à toute demande de soins 24h/24. L’enjeu est clairement de pouvoir désengorger les urgences hospitalières au bord de la rupture.

L’objectif est de définir un nouveau service d’orientation et de guidage dans le système de santé, simple et accessible permettant à toute personne ayant un besoin de santé urgent ou n’ayant pas de médecin traitant disponible et nécessitant un soin non programmé, d’accéder à distance à un professionnel de santé. Ce dernier serait alors en mesure de lui fournir, selon son état, un conseil ou une orientation vers une consultation non programmée en ville ou à l’hôpital ou déclencher une intervention d’un service mobile. Il est donc défini pour assurer trois besoins : répondre rapidement à une demande à tout moment de la journée/nuit, actionner une orientation adaptée en lien avec l’offre de soins présente sur le territoire, et proposer un suivi postérieur à la demande.

Ce faisant, le SAS est fondé sur un partenariat étroit et équilibré entre la médecine de ville et les professionnels de l’urgence hospitalière. Il repose sur une régulation commune des appels pour prendre en charge ces demandes de soins non programmés. Pour cela, il associe la régulation médicale libérale et le SAMU, avec des outils informatisés pour l’orientation des patients dans le système de soins et la programmation des rendez-vous.

Ce service ne vient pas se substituer à l’accès au médecin traitant, qui demeure la voie d’entrée prioritaire dans le système de soin.

Même si elle est logiquement retardée par rapport aux objectifs initialement fixés – délais ambitieux, Covid 19 en 2020, organisation opérationnelle et logistique complexe…- cette mise en place se concrétise. Ainsi, un appel à projet a été diffusé via les agences régionales de santé en juillet 2020 afin d’identifier des projets pilotes sur l’ensemble du territoire. Au total, 22 projets viennent d’être retenus pour faire partie de la première phase d’expérimentation. 13 régions – métropole et outre-mer- ont été choisies, représentant environ 40 % de la population, avec des territoires de nature très diverses.

Ces expérimentations devront permette de répondre à trois points majeurs qui conditionneront la réussite du futur SAS.

Il sera tout d’abord essentiel, pour que le système fonctionne, que les médecins régulateurs qui réceptionneront les appels, puissent orienter les patients vers des médecins libéraux en journée, capables de les recevoir, dans un contexte de démographie médicale tendue. Actuellement, le système fonctionne bien aux horaires de permanence des soins (soir, nuit, week-ends…) avec des acteurs de terrain opérationnels (ex : maisons de garde, cabinets de garde, médecins mobiles de type SOS…) mais l’enjeu est tout autre pour la journée. Certes, de nouveaux acteurs comme les maisons de santé, les CPTS, les centres de soins non programmés développent une offre de consultations non programmées, mais elle est encore peu structurée et ne couvre pas, et de loin, tous les territoires. Lorsqu’elles existent, ces consultations non programmées sont souvent prises d’assaut par la patientèle des médecins qui les proposent. L’engagement et l’organisation structurée de l’offre de consultation des médecins libéraux seront donc clairement les facteurs clés de succès majeurs du SAS. Il faudra les soutenir en leur donnant les moyens humains et opérationnels d’organiser et d’assurer la réponse aux demandes.

Ensuite, dans les territoires où cette offre de soin se développe, il sera essentiel d’organiser/développer une inter-action étroite entre, d’une part, les médecins régulateurs en amont qui réceptionneront et orienteront les appels des patients et, d’autre part, les acteurs de terrain qui réaliseront les consultations. Elle devra être humaine (bonne connaissance des acteurs), organisationnelle (agendas partagés entre acteurs, programmation des rendez-vous…) et technologique (plate-forme numérique, outils permettant de connaître les disponibilités des médecins sur le terrain en temps réel). Un maillon de coordination devra nécessairement être créé, le médecin régulateur ne pouvant jouer le rôle de mise en relation entre l’appelant et l’effecteur final.

Enfin, et comme souvent malheureusement quand une bonne idée est développée, le modèle économique qui doit permettre au système de fonctionner en régime de croisière n’est pas encore stabilisé. Des coûts inhérents au fonctionnement du SAS sont d’ores et déjà identifiés : rémunération des gardes des médecins généralistes (qui devront réserver des créneaux libres à l’avance sans savoir si des patients leur seront adressés), rémunération des médecins libéraux qui réguleront les appels la journée– système qui existe déjà dans la plupart des départements–, charges logistiques diverses (informatique, téléphonie…) et rémunération des opérateurs qui mettront en relation les patients avec les acteurs de soins sur le terrain.

Une évaluation des expérimentations qui démarrent est indispensable avant le déploiement national. Elle devra notamment prévoir de mesurer le taux de compliance des patients aux orientations données par les médecins régulateurs. Iront-ils bien là où on les orientera ? Mobiliseront-ils effectivement le SAS pour accéder à une ressource médicale en urgence ou simplement pour obtenir des conseils, dans une optique de réassurance médicale ?

Matthieu GUY-GRAND        Directeur Eliane Conseil                            

Dr Laurent De Bastard   Médecin généraliste, Vice-président de la CPTS du Grand Versailles

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