L’avenant n°7 à la convention médicale parue au Journal officiel le 20 aout 2019 définit les conditions de création du métier d’assistant médical, devant permettre de libérer du temps médical aux praticiens libéraux afin qu’ils se recentrent sur leur cœur de métier, en vue d’améliorer la prise en charge des patients. Les médecins se plaignent en effet régulièrement, à juste titre selon nous, d’être embolisés de manière croissante par la réalisation de tâches annexes d’ordre administratif (gestion carte vitale, coordination du parcours patient, dossiers divers, gestion des relations avec la sécurité sociale…).
C’est dans ce contexte que l’accord dispose que le médecin peut dorénavant recruter un assistant médical, véritable assistant médico-administratif, pour l’aider et dont il peut fixer le rôle selon ses propres besoins, en respectant le champ des trois grandes tâches possibles qu’il peut lui confier :
gestion administrative (Ex : accueil du patient, gestion des dossiers médicaux…),
assistance dans le contenu de la consultation (Ex : prise de constantes, préparation des actes techniques comme un ECG…),
coordination du parcours (Ex : prise de rdv avec un médecin spécialiste, préparation de l’admission à l’hôpital…).
Selon les termes du décret (dernier alinéa de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique ): « Sont autorisés à exercer auprès d’un médecin exerçant en ville, à titre libéral ou à titre salarié en centre de santé, la fonction d’assistant médical, les détenteurs des qualifications professionnelles suivantes :a) Le diplôme d’Etat d’infirmier (DEI) ;b) Le diplôme d’Etat d’aide-soignant (DEAS) ;c) Le diplôme d’Etat d’auxiliaire de puériculture (DEAP) ;d) Le certificat de qualification professionnelle (CQP) d’assistant médical »
Les assistants médicaux pourront donc avoir un profil administratif (formation de secrétaire médicale) ou soignant (aide-soignant, infirmier). Ils devront avoir suivi une formation spécifique, intégrant éventuellement une validation des acquis de l’expérience et être titulaires d’un certificat de qualification professionnelle.
Concrètement, une aide financière est versée par l’assurance maladie au médecin, qui doit, en échange, s’engager (et le prouver ex-post à travers un suivi d’indicateurs) à accroitre sa patientèle « médecin traitant » (il est sensé, selon l’esprit de l’accord, dégager du temps lui permettant de voir plus de patients). Cette aide est dégressive, pour tenir compte de l’augmentation des revenus du cabinet liée au surplus d’activité dans le temps, ses modes de calculs varient en fonction de la zone géographique d’exercice, du type de spécialité et du temps de travail de l’assistant médical dans l’année (ex : tiers temps, mi-temps…).
Pour rappel, trois conditions sont fixées pour être éligible à cette aide :
1/ Exercer en secteur I ou en secteur II (uniquement contrats OPTAM ou OPTAM CO).
2/ Justifier d’un exercice coordonné : maison de santé pluridisciplinaire, équipes de soins primaires ou spécialisé, CPTS, cabinet de groupe
3/ Avoir une activité minimale (les seuils dépendant de l’activité du praticien)
Aussi, l’esprit et le contenu de cet accord, même si tous les syndicats de médecins ne l’ont pas signé (FMF et Le BLOC) et si certains signataires se seraient bien passés de toute ou parties des contreparties imposées par la CNAMTS, semblent largement correspondre aux plaintes récurrentes que nous entendons sur le terrain, au contact des médecins, relatives au temps consacré par ces acteurs à des tâches autres que le soin. Plusieurs études montrent qu’elles sont souvent la cause de burn-out. Par ailleurs, dans les maisons de santé, les coordonnateurs ne jouent pas le rôle dévolu à l’assistant médical et les deux fonctions se complètent plutôt bien.
Cependant, nos premières observations de terrain, dans le cadre des entretiens et des groupes de travail que nous menons avec les professionnels de santé, nous enseignent que si l’esprit de cet accord – on peut certes discuter des contreparties mais ce n’est pas l’objet de cet article – répond aux besoins exprimés depuis longtemps, les professionnels de santé sont dans l’ensemble peu informés sur son contenu et ses possibilités– avec de très nombreuses interrogations, certains fantasmes –, voire assez hostiles au principe même de l’aide humaine qui peut leur être financée. Et les deux vont de pairs.
En effet, d’un côté, sur les trois fonctions possibles pouvant être assurées par l’assistant médical et rappelées ci-dessus, il est frappant de constater que les médecins que nous rencontrons ne retiennent en général que la seconde, c’est-à-dire « l’assistance dans le contenu de la consultation ». N’ayant pas en tête les deux autres, qui répondent directement à leur demande d’être déchargés de tâches administratives, ils sont dans l’ensemble plutôt hostiles à cette fonction possible de l’assistant médical, avançant ne pas vouloir déléguer des tâches qu’ils assurent bien eux-mêmes ou ne pas faire confiance à « une secrétaire qui ne saura pas faire » et qui aura selon eux l’effet inverse d’allonger le délai de la consultation ! Même ceux qui se destinent à exercer dans un cadre regroupé au sein d’une maison de santé ont dans l’ensemble assez peu identifié l’intérêt de cette fonction nouvelle.
De l’autre côté, les infirmiers sont vent debout contre cet accord qui liste notamment les IDE parmi les professionnels pouvant jouer le rôle d’assistant médical, – via l’obtention d’un certificat de qualification professionnelle ! -, craignant une dévalorisation de leur métier via l’instauration d’une relation verticale entre le médecin et l’infirmier et la réalisation possibles de tâches administratives subalternes qui pourraient leur être confiées.
Cette crainte ne nous semble pas fondée en pratique si l’on tient compte du fait que les infirmiers sont le plus souvent débordés dans l’exécution de leur propre travail et que les médecins ne semblent pas enclins à recourir à un assistant médical pour les seconder dans l’exercice de leur consultation. Par ailleurs, l’accord rappelle que « les fonctions exercées par l’assistant médical, qui sont des missions propres, doivent se distinguer de celles relevant des autres catégories de métiers ». Il n’en reste pas moins que la mention de la fonction d’IDE dans le décret interroge.
S’agissant des secrétaires médicales en poste, la création de cette fonction peut être une occasion de monter en compétences en obtenant le diplôme d’assistant médical.
Il conviendra bien évidemment de suivre la montée en charge de ce nouveau dispositif mais il semblerait important de mieux informer les acteurs de terrain, notamment de la part des syndicats, afin que cet accompagnement a priori adapté aux besoins, puisse effectivement se déployer et que son périmètre soit éventuellement ajusté en fonction des remontées des acteurs qui l’auront mis en place dans leur structure. Si la fonction 3 (coordination du parcours patient) se développe, il conviendra d’envisager les liens et le partage des tâches à organiser avec les plates-formes d’appui à la coordination dont le rôle est notamment d’aider à la coordination du parcours des patients complexes. Car l’empilement de dispositifs ayant des fonctions proches est malheureusement une spécialité bien française qui explique que leur développement soit parfois poussif.