C’est au cours d’une réunion d’équipe semestrielle avec l’ensemble des intervenants du cabinet, rendez-vous régulier mêlant séquences de formation et d’échanges informels, qu’Aude qui travaille pour/avec nous depuis quatre mois, découvre qu’elle fait partie de notre personnel. Les échanges, qui doivent malheureusement se tenir à distance le plus souvent, avec un personnel éclaté façon puzzle aux quatre coins de l’hexagone, sont à la fois sérieux, rigoureux et en même temps décontractés, bienveillants, privilégiant l’écoute et le partage des bonnes pratiques. Le cabinet rappelle sa « ligne », il cadre, il forme, informe ; il s’assure de l’harmonisation des pratiques et de la cohérence des rapports d’évaluation. Son personnel écoute, fait remonter ses impressions, ses doutes, ses craintes aussi, la bonne humeur est palpable, on est heureux d’échanger.
Le responsable qualité – c’est celui pour qui la norme NF EN ISOIEC 17020 n’a plus, ou presque, de secrets !– diffuse en séance l’organigramme du cabinet. On y distingue bien, photo couleur à l’appui, chaque personne, tout le personnel du cabinet, notre cabinet commun. A la lecture, Aude semble soudainement prendre conscience, et s’en étonne vivement qu’elle n’est pas une entité extérieure individuelle, contrairement à la représentation qu’elle avait de son identité, d’elle-même, de sa fonction. Aude, dans les missions qu’elle assure pour le cabinet, en fait littéralement partie ; cellule intégrée au sein d’Eliane Conseil. Pour éclairer sa lanterne, mais aussi pour rafraichir la mémoire de ses collègues d’un jour, un « référent SMS » -c’est aussi une personne pour qui ladite norme n’a plus de secrets !-, entreprend de relire les pages 7 et 8 du document intitulé « INS réf 2, version 07, Exigences pour l’accréditation des organismes d’inspection selon la norme NF EN ISO/IEC 17 020 : 2012 », consacrées aux « Exigences en matière de ressources- Personnel ». On y apprend, ce qui paraît relever de l’évidence, que l’ensemble des ressources qui travaillent pour le cabinet font partie de son personnel. Chacune d’entre elle EST Eliane Conseil, représente Eliane Conseil, porte, applique et diffuse la philosophie, la méthode et les valeurs du cabinet. La norme englobe dans ce personnel, les ressources « salariées » et celles qui sont « sous contrat », dont Aude fait partie, on l’aura compris, comme les onze autres personnes autour de l’écran ce jour-là, des ressources avec lesquelles le cabinet signe des contrats pour chacune des évaluations qu’il/elle réalise.
Aude est pourtant « indépendante », elle n’est pas salariée ; elle travaille d’abord pour elle-même et pour… 4 cabinets différents, répartissant ainsi ses activités entre chacun, au gré des contrats de prestation qui lui sont proposés. Elle doit ainsi intégrer quatre manières de travailler différentes, déployer des méthodes et des visions qui changent, faisant partie, à son insu, du personnel de ces quatre cabinets. Des personnels temporaires partagés en quelque sorte. Plusieurs tuniques de couleurs différentes, à enfiler, à enlever, à remettre. Surtout bien cloisonner, les postures et les méthodes peuvent varier sensiblement (ex : niveau des cotations, style et contenu des commentaires, méthode de recueil des preuves…), ce qui ne devrait pas être le cas. Ou pas trop. Ecartelée, Aude a du mal à se sentir membre du personnel de plusieurs structures. Et puis elle tient à son indépendance, elle n’envisage pas de se lier avec une seule entité, la plupart d’entre elles d’ailleurs ne seraient pas capables de lui procurer du travail toute l’année. De leur côté, ces cabinets peuvent moins s’appuyer sur des ressources salariées, pourtant plus à même de se sentir membre d’un collectif et d’en appliquer ses méthodes, comme ils pouvaient davantage le faire avant le déploiement de cette nouvelle méthode d’évaluation par la HAS. Le personnel doit en effet avoir au moins trois ans d’expérience dans le secteur médico-social, excluant les personnes plus récemment diplômées plus volontiers enclines à s’engager dans un contrat salarié. Et les ressources qui réalisent ces évaluations n’ont pour la plupart pas envie de s’engager dans une activité salariée.
En somme, d’un côté, des ressources éclatées, indépendantes, travaillant sporadiquement pour plusieurs employeurs, mais faisant pourtant partie intégrante de leurs personnels et, de l’autre, des cabinets – avec des méthodes différentes entre eux – qui doivent les relier, véhiculer un sentiment d’appartenance, avec l’impérieuse nécessité de leur faire intégrer et appliquer scrupuleusement leurs valeurs, méthodes et consignes en vue de mener des évaluations homogènes et s’inscrivant dans une cohérence d’ensemble. Un enjeu fort des mois à venir va être d’obtenir de la HAS des recommandations encore plus précises pour la conduite de ces évaluations afin de l’amplitude des méthodes d’évaluation et faciliter ainsi la tâche de tous les acteurs.